Déverrouiller le jardin clos : Comment le Canada peut aller de l'avant en matière de finance ouverte
9 janvier 2024
Par Laurent Carbonneau, Directeur des politiques et de la recherche de l'ICC
Cette année sera très importante pour l'avenir des services bancaires ouverts au Canada. Pour vous rafraîchir la mémoire, vous pouvez consulter notre guide des services bancaires ouverts publié il y a quelques mois. En quelques mots, les services bancaires ouverts s'éloignent du modèle bancaire traditionnel et permettent aux particuliers et aux entreprises de partager en toute sécurité leurs données financières avec des fournisseurs de services tiers autorisés afin de proposer des services financiers innovants.
Parallèlement à la déclaration économique d'automne de novembre dernier, le gouvernement fédéral a publié une déclaration de politique sur ce qu'il appelle les services bancaires axés sur le consommateur, qui demande aux banques et aux autres institutions financières de donner aux fintechs l'accès aux données des consommateurs si elles répondent à certains critères.
Le ministère des finances a indiqué que le gouvernement présenterait, en même temps que le prochain budget, un projet de loi qui définira ce qui est couvert par le cadre et ce qui ne l'est pas, qui attribuera au gouvernement la responsabilité de le réglementer et de le superviser et, surtout, qui établira des règles pour déterminer qui peut y avoir accès.
Le Bureau américain de protection financière des consommateurs (Consumer Financial Protection Bureau) a également publié un projet de règles à l'automne dernier, qui montre une autre voie à suivre. Au lieu de créer un ensemble complet de nouvelles règles pour encadrer un écosystème à partir de zéro, ils créent un droit légal du consommateur à partager des données financières. Ils définissent de solides protections de la vie privée et de l'utilisation abusive des données, mais laissent la plupart des détails concernant la gouvernance à des normes industrielles consensuelles qui sont développées de manière équitable, ouverte et inclusive.
Le CFPB a essentiellement reconnu qu'il est extrêmement difficile de tout définir dans la réglementation et qu'il protège par défaut les opérateurs historiques en excluant les nouveaux modèles d'entreprise, à moins que la réglementation ne soit modifiée. Pour éviter cela, elle a délibérément opté pour un modèle flexible qui permet aux parties prenantes de s'adapter aux nouveaux problèmes et défis et de les résoudre collectivement et ouvertement par l'établissement de normes.
Le résultat de tout cela est que les États-Unis sont en train de construire un bien commun, centré sur les droits des consommateurs. L'approche du Canada consiste à construire un jardin fermé et clos dont les clés sont détenues par le gouvernement.
C'est pire pour les consommateurs et les fintechs, et cela laisse trop de pouvoir entre les mains des banques et du gouvernement.
Une approche politique fondée sur la maximisation des droits des consommateurs crée en fin de compte un meilleur environnement pour les innovateurs qu'une approche où les intérêts des institutions financières dominent. C'est une simple question d'alignement des intérêts. Les consommateurs veulent avoir des options et de la flexibilité. Les banques veulent protéger leurs activités.
Sachant qu'il est probablement trop tard pour repartir de zéro et construire un système sans murs, la meilleure chose à faire est de mettre en place un système dans lequel le processus d'obtention de la clé de la porte est équitable, ouvert et inclusif.
Qu'est-ce que cela signifie en pratique ? Cela signifie que l'accréditation ne devrait pas être basée sur un ensemble de règles élaborées à huis clos. Au contraire, les pouvoirs publics devraient collaborer avec les innovateurs, les associations de consommateurs et, bien sûr, les banques, afin de déterminer quelles normes pourraient couvrir les éléments dont tout le monde sait qu'ils sont essentiels au traitement des données financières. Il s'agirait notamment d'éléments tels que la protection de la vie privée et la cybersécurité. Nous devrions ensuite adopter ces normes consensuelles et en faire la voie d'accréditation. Essentiellement, si vous cochez toutes les cases relatives à la protection de la vie privée et à la cybersécurité, vous devriez automatiquement obtenir une clé d'accès au jardin clos.
Il existe quelques normes existantes qui pourraient constituer une base viable pour l'accréditation, ou du moins offrir une voie accélérée vers cette accréditation. De nombreuses organisations offrant des services en ligne sont déjà conformes à la norme SOC2 et rendent compte régulièrement, à un niveau de détail assez fin, de la manière dont elles collectent, traitent, stockent, utilisent et protègent toutes sortes d'informations confidentielles.
Au Canada, le Conseil de gouvernance numérique dispose d'un trio de normes sur l'expérience client en matière de finance ouverte, la cybersécurité pour les PME et l'accès des tiers aux données qui, ensemble, couvrent pratiquement tous les aspects importants de l'offre de produits financiers ouverts sûrs et conviviaux.
Aucun système n'est parfait lors de sa première itération. Il y aura probablement des problèmes de démarrage. Même les banques ont des failles. Heureusement, il existe une voie ouverte, opportune et transparente pour y remédier par l'intermédiaire des organismes de normalisation.
Ce qui est encore plus intéressant dans ce système pour les consommateurs et les innovateurs, c'est la perspective de l'exportation. Si les États-Unis disposent d'un processus de reconnaissance des normes, il n'y a aucune raison pour que les organisations canadiennes ne fassent pas pression pour que nos normes y soient reconnues. Cela signifierait un nouveau marché important pour les entreprises canadiennes, sans qu'elles aient à réorganiser l'ensemble de leurs structures de conformité.
Nous vivons un moment important et les enjeux sont considérables. Avec la nouvelle décevante du mois de décembre selon laquelle la Société canadienne de l'innovation sera abandonnée pendant des années, il est plus important que jamais que le gouvernement mette en place une politique d'innovation adaptée à la situation actuelle.
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