Cinq questions à Jon Lipinski, cofondateur et président d'Ecopia

14 mai 2024

Ecopia AI est une société d'intelligence artificielle basée à Toronto, en Ontario, dont la mission est de numériser le monde à l'aide de l'IA.

Co-fondateur et Président Jon Lipinski s'est récemment entretenu avec Benjamin Bergen, président de l'ICC, au sujet d'Ecopia, de l'utilisation de l'IA pour des applications telles que la cartographie des inondations et la prise de décision en matière d'infrastructures, ainsi que du processus de passation des marchés publics.

Cette transcription a été éditée pour des raisons de longueur et de clarté.

Benjamin Bergen : Jon, merci de m'avoir rejoint. Pour commencer, pourriez-vous nous expliquer comment Ecopia a vu le jour ?

Jon Lipinski : Bien sûr ! Ecopia est née des travaux de doctorat de mon cofondateur à l'université de Waterloo ; ils étudiaient comment apprendre à un ordinateur à interpréter l'imagerie comme le ferait un être humain.

En termes simples, il s'agit d'entraîner l'intelligence artificielle à regarder des images capturées par un satellite, un avion ou un véhicule de visualisation des rues, et à les voir d'un point de vue humain. Le résultat de ce processus serait une carte générée par l'IA qui permettrait à l'utilisateur de mieux comprendre notre planète - en fournissant des informations détaillées sur des caractéristiques telles que les routes, les bâtiments et d'autres zones de préoccupation potentielles, essentiellement une représentation numérique de la réalité qui peut ensuite être utilisée à des fins de prise de décision.

BB : C'est vraiment passionnant !

En ce qui concerne la gestion de l'environnement, qui devient une préoccupation croissante des gouvernements nationaux et régionaux, comment l'IA peut-elle être utilisée pour aider les régulateurs gouvernementaux à protéger l'environnement ?

JL : Absolument. Beaucoup de nos clients travaillent avec nous pour mieux comprendre l'état de l'environnement bâti et naturel. Ils veulent savoir où se trouvent tous les bâtiments, leur élévation, l'emplacement des plans d'eau, les risques d'inondation, les endroits où l'on pourrait installer davantage d'espaces verts pour absorber plus d'eau pendant les tempêtes - ce genre d'informations.

Ces informations sont ensuite utilisées pour prendre des décisions sur les domaines dans lesquels l'argent pourrait être investi pour améliorer la durabilité, l'équité communautaire et la résilience climatique, par exemple en améliorant les défenses contre l'eau ou en encourageant des comportements qui réduiraient en fin de compte le risque d'événements liés au climat, tels que les inondations ou les incendies.

L'élément intéressant dont je me suis rendu compte au fur et à mesure de nos travaux, c'est qu'il y a une grande lacune dans la compréhension de l'environnement actuel.

Si l'on considère les inondations, par exemple, on constate un manque de données cohérentes lorsqu'il s'agit de cartographier les surfaces imperméables et les défenses contre les inondations au Canada. Nous savons que les surfaces imperméables influencent considérablement la modélisation des inondations pluviales ou urbaines ; par exemple, l'eau qui tombe sur une chaussée entraînera un ruissellement, alors que l'eau qui tombe sur des éléments naturels sera absorbée. De même, la connaissance de l'emplacement des ouvrages de défense contre les inondations, tels que les barrages ou les digues, fait partie intégrante de l'atténuation des inondations fluviales et peut avoir un impact important sur le risque d'inondation des communautés environnantes.

Il est important de comprendre ces aspects de l'utilisation des sols lors de la modélisation des inondations, mais de nombreuses organisations gouvernementales ne disposent pas des données nécessaires. Nous avons constaté qu'il s'agit d'une lacune surprenante à tous les niveaux de gouvernement, non seulement dans les municipalités, mais aussi aux niveaux provincial et fédéral. La cartographie basée sur l'IA permet d'identifier efficacement les types d'occupation des sols et les caractéristiques des infrastructures à grande échelle, ce qui permet aux pouvoirs publics d'avoir une vue d'ensemble lorsqu'ils prennent des décisions importantes en matière d'infrastructures et de politiques.

BB : Pour nous, à l'ICC, 2024 est l'année des marchés publics. Les innovateurs nous ont dit que l'achat d'un produit par le gouvernement peut être une affaire importante. Pouvez-vous nous parler de ce parcours avec le gouvernement fédéral ou les gouvernements provinciaux et de ce que cela a signifié pour Ecopia ou d'autres démarches que vous avez entreprises au sein du gouvernement ?

JL : Nous avons participé à de nombreux programmes d'innovation axés sur les marchés publics au Canada. Ces programmes nous ont donné l'occasion de nous engager auprès des utilisateurs finaux du gouvernement et d'obtenir un retour d'information direct sur nos produits, ce qui nous a permis de continuer à innover et à créer des solutions de la plus haute valeur pour nos clients.

Si ces programmes constituent une source de financement qui facilite les partenariats entre les ministères fédéraux et les entreprises canadiennes innovantes, ils profitent également aux entreprises en phase d'expansion dans la mesure où les fonds sont reconnus comme une source d'approvisionnement, ce qui contribue à votre chiffre d'affaires. Ces fonds peuvent être utilisés comme un levier supplémentaire dans la perspective d'un financement par emprunt ou par capitaux propres. Ces programmes ont été d'excellents moteurs d'accélération pour notre engagement avec le gouvernement, mais je sais maintenant que le défi est de savoir ce qui se passe une fois que les entreprises sont sorties de ces programmes. La prochaine étape consistera à trouver des voies d'approvisionnement qui permettront à ces diplômés de poursuivre leur développement avec leurs clients partenaires du gouvernement et de devenir de grandes entreprises canadiennes de base. Je pense que si nous parvenons à trouver les moyens d'y parvenir, l'écosystème canadien de l'innovation et notre gouvernement, en tant qu'utilisateurs de ces technologies innovantes, en bénéficieront grandement.

BB : Intéressant ! Pouvez-vous nous parler un peu de la façon dont le gouvernement peut utiliser l'IA et de ce que cela signifie ?

L 'IA est une question d'efficacité et d'échelle. Dans le domaine de la cartographie, cela signifie collecter des informations géographiques importantes, nécessaires à la prise de décision, mais dont la création et la mise à jour nécessitent des ressources importantes. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.

Les données cartographiques sont souvent nécessaires pour les programmes d'équité du gouvernement, par exemple pour assurer un accès égal à l'internet à large bande dans tout le pays. Pour localiser efficacement les populations non desservies et accroître l'équité en matière de large bande, le gouvernement a d'abord besoin d'une carte complète des bâtiments à travers le pays - il s'agit d'un produit de données réel que nous avons produit et livré au gouvernement fédéral canadien. Lorsqu'il s'agit de distribuer des milliards de dollars pour construire des infrastructures dans tout le pays, il est logique d'en investir d'abord une petite partie dans des données de qualité pour s'assurer que l'argent est investi au bon endroit.

La même logique s'applique aux infrastructures de transport et aux projets de résilience climatique. Du point de vue du gouvernement fédéral, il alloue des fonds pour améliorer l'état des routes ou mieux protéger les Canadiens contre les risques d'inondation, mais l'un des problèmes que nous avons mis en évidence est qu'il n'existe pas de base de données indépendante sur l'état des routes ou la couverture des sols dans tout le Canada. Sans cette source de vérité, il est difficile d'évaluer correctement ces questions cruciales.

Par exemple, nous avons récemment créé une carte 3D très détaillée de Montréal et constaté que l'état des routes est pire dans certaines zones à faibles revenus. Je pense qu'anecdotiquement, la plupart des gens savent que ce type de disparité existe, mais si les données indépendantes peuvent valider ces questions, alors cela permettra un financement plus équitable et des décisions politiques.

BB : C'est très intéressant. Comment utiliser l'IA comme outil pour créer non seulement de meilleures conditions pour tous, mais aussi pour aider à réparer certaines des inégalités qui ont existé ? Et comment utiliser les données pour aider à identifier cela, c'est très intéressant.

Pouvez-vous me parler un peu de ce que signifie pour Ecopia le fait que les pouvoirs publics vous achètent des produits ?

JL : Nos produits cartographiques sont souvent utilisés par de nombreuses industries pour prendre des décisions plus éclairées. Mais historiquement, ce sont les gouvernements du monde entier qui ont été pour nous un excellent client d'ancrage, nous fournissant une validation et un tremplin pour pénétrer de nouveaux marchés.

Par exemple, aux États-Unis, le gouvernement fédéral a été l'un de nos premiers clients à grande échelle, ce qui nous a permis de développer nos produits dans tout le pays et de disposer d'un excellent client de référence. Nous avons ensuite été en mesure de commercialiser rapidement ces produits dans les secteurs de l'assurance, du génie civil, des télécommunications et d'autres secteurs.

Je pense que ce type d'opportunité existe également au Canada. Je pense que le gouvernement a la possibilité d'investir dans la technologie canadienne de manière à multiplier les avantages pour notre économie - en développant la propriété intellectuelle, les emplois et les revenus - et en offrant aux entreprises canadiennes innovantes une voie accélérée vers l'expansion mondiale.

En outre, le déploiement de technologies innovantes au sein de l'administration peut avoir un impact positif réel sur les communautés canadiennes. Par exemple, des cartes alimentées par l'IA pourraient aider le gouvernement à comprendre où les règlements locaux peuvent entraver le développement de plus de logements pour soutenir notre population croissante - en identifiant la présence de facteurs tels que les grandes marges de recul des routes, la faible hauteur des bâtiments et la petite taille de l'empreinte au sol des bâtiments dans toutes les municipalités. Ces mêmes cartes pourraient également fournir une meilleure vue de la résilience climatique ou de l'état des routes en offrant une meilleure compréhension de l'environnement bâti et naturel. La compréhension de ces facteurs sous-jacents d'un point de vue politique pourrait permettre d'avoir une meilleure idée de la manière dont les ressources peuvent être distribuées pour relever certains des défis les plus pressants du Canada.

À propos du Conseil

Le Conseil des innovateurs canadiens est un conseil d'affaires national regroupant plus de 150 entreprises technologiques à grande échelle dont le siège social se trouve au Canada. Nos membres sont des créateurs d'emplois, des philanthropes et des experts en commercialisation dans l'économie numérique du 21e siècle.

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