R&D : une vision fascinante du crédit d'impôt pour les entreprises technologiques

16 mai 2023

Par Laurent Carbonneau

En février, les chercheurs Michaël Robert-Angers et Luc Godbout de l'Université de Sherbrooke ont publié une étude fascinante sur le Crédit d'impôt pour les titres multimédias (CTMM) du Québec, un crédit d'impôt provincial à l'emploi utilisé principalement dans le secteur des jeux vidéo au Québec. (Petite révélation : mon ancien collègue de l'ICC, Pierre-Philippe Lortie, a contribué à leur recherche).

Au Canada, il est rare d'avoir un aperçu complet des crédits d'impôt. Les données sont conservées dans les agences fiscales et les ministères des finances et ne sont généralement pas mises à la disposition des chercheurs et du public pour des raisons de confidentialité.

Le fait que le gouvernement du Québec ait accordé aux chercheurs l'accès à leurs dossiers est en soi une grande victoire pour la transparence et pour s'assurer que notre conversation publique sur la façon dont les gouvernements soutiennent l'innovation est fondée sur des preuves solides. Les résultats de cet examen de la façon dont la saucisse est fabriquée devraient également tirer la sonnette d'alarme quant aux inconvénients de l'approche de la politique d'innovation fédérale et provinciale axée sur l'emploi, qui est la norme d'un océan à l'autre.

Tout d'abord, un peu d'histoire. Le gouvernement du Québec a créé le CTMM en 1996, dans la longue période de suspension économique qui a suivi le second référendum sur la souveraineté en 1995. Le taux de chômage au Québec était élevé et il semblait judicieux de créer des emplois en encourageant les industries créatives dans la province en couvrant jusqu'à 30 % des coûts de production. Un an plus tard, pour attirer les investissements, le gouvernement a autorisé les entreprises étrangères à utiliser le crédit. D'une certaine manière, le CTMM a été un succès, ou peut au moins être corrélé à un succès. L'industrie des jeux vidéo emploie environ 13 500 personnes au Québec, sur un total de 32 000 au Canada.

Aujourd'hui, le CTMM est remboursable (c'est-à-dire qu'il peut être demandé en l'absence de profit), peut couvrir jusqu'à 37,5 % des coûts totaux de main-d'œuvre d'un projet et coûte au trésor provincial environ 350 millions de dollars chaque année. Environ 200 entreprises demandent ce crédit, et 15 d'entre elles sont responsables de 75 % de ce total de 350 millions de dollars. La société française Ubisoft comptabilise à elle seule environ 100 millions de dollars.

Robert-Angers et Godbout constatent que le crédit québécois est assez comparable, en termes de générosité, à ceux offerts par l'Ontario et la Colombie-Britannique et qu'il est généreux par rapport au Royaume-Uni, à la France et à l'Allemagne. De manière significative, ils constatent qu'étant donné que le crédit est remboursable, les entreprises en retirent souvent plus que ce qu'elles paient en impôts - une moyenne d'environ 1,9 fois pour toutes les entreprises, et une moyenne assez stupéfiante de 2,9 fois pour les entreprises qui utilisent le volet spécialisé du programme pour les entreprises dont plus de 75 % des activités sont admissibles à la CTMM (c.-à-d. les studios de jeux vidéo spécialisés). Une fois la CTMM et les autres crédits pris en compte, seuls 5 % des entreprises bénéficiant de la CTMM paient effectivement des impôts sur le revenu des sociétés à la province.

Les chercheurs suggèrent quelques remèdes à cette situation, tels que l'instauration d'un seuil minimum de rentabilité pour les entreprises de la filière spécialisée, l'inclusion des fonctions de commercialisation et de distribution dans le champ des activités éligibles au crédit, la réduction des dépenses éligibles pour les filiales étrangères qui ne détiennent pas leur propriété intellectuelle, et à l'inverse, l'augmentation de ces dépenses pour les sous-traitants afin de favoriser la croissance de la chaîne d'approvisionnement. Robert-Angers et Godbout avaient l'intention de proposer des ajustements qui orienteraient le crédit vers des fonctions à forte valeur ajoutée au lieu d'en augmenter ou d'en diminuer le coût - une contrainte intéressante qui oblige à réfléchir attentivement à la relation entre la structure de l'industrie et la conception de la politique. Le marché de l'emploi dans les industries créatives - et dans la technologie en général - est très différent de ce qu'il était à la fin des années 1990. Les entreprises sont désespérément à la recherche de talents. Une subvention salariale est-elle la bonne approche dans cette situation ?

Comme je l'ai mentionné au début de ce billet, il est rare de pouvoir avoir une conversation informée sur la distribution et l'impact d'un crédit d'impôt sur les sociétés dans ce pays, et nous devons tous remercier les chercheurs d'avoir obtenu ces données du gouvernement du Québec.

Alors qu'Ottawa se penche (enfin) sur la réforme du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE), un cheval de bataille, ce genre de transparence devrait être le strict minimum. Alors que la CTMM a toujours été conçue comme un programme sectoriel de création d'emplois, la RS&DE a été l'épine dorsale du programme fédéral de soutien à la R&D des entreprises canadiennes pendant une génération - et il est vraiment essentiel d'optimiser les détails de la réforme dans un marché du travail tendu et dans un contexte de croissance de la productivité qui stagne par rapport à celle de la plupart de nos pairs.

L'automne dernier, l'ICC a proposé au gouvernement des suggestions pour tirer le meilleur parti de la RS&DE. Mais cela ne devrait en aucun cas être le dernier mot sur le sujet. Une transparence radicale sur les bénéficiaires actuels de la RS&DE et sur la manière dont elle contribue à relever nos défis à long terme en matière d'innovation devrait constituer la première étape de la réforme.

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