Gains en capital : Les politiques fiscales ont réellement des conséquences économiques

7 mai 2024

Par Laurent Carbonneau
Directeur des politiques et de la recherche de l'ICC

Je ne pense pas avoir besoin de dire grand-chose, en guise d'introduction, au sujet de la hausse de l'impôt sur les gains en capital proposée dans le budget fédéral de 2024. J'aime à considérer les lecteurs de Mooseworks comme les meilleurs des meilleurs, les innovateurs les plus novateurs et les plus ringards des ringards.

Et franchement, il faudrait vivre sous une roche pour ne pas avoir vu les articles d'opinion, les lettres ouvertes et le tumulte général auxquels nous avons assisté ces dernières semaines.

Mais qu'est-ce que tout cela signifie ? On ne vient pas chez Mooseworks pour entendre des commentaires virulents. Cette série est consacrée à une analyse politique sobre. 

Je ne prétends pas comprendre tous les impacts économiques sur les médecins de famille ou les propriétaires de chalets, mais nous pouvons partager certaines conclusions préliminaires sur les impacts potentiels en matière d'innovation.

Tout d'abord, une brève description de ce qui a changé. À partir du mois de juin, chaque dollar de plus-value réalisé par une société ou une fiducie sera considéré comme 66 % d'un dollar aux fins de l'évaluation de l'impôt à payer. Il en va de même pour les plus-values réalisées par les particuliers au-delà des 250 000 premiers dollars, qui continueront d'être imposées à un taux d'inclusion de 50 %. 

Le budget fédéral a voulu amortir quelque peu le choc et a également prévu une augmentation de l'exonération à vie des plus-values (d'environ 1 million de dollars à 1,25 million de dollars) et a créé un nouvel incitant pour les entrepreneurs canadiens, qui permettra aux propriétaires de certains actifs, dans certaines conditions, de bénéficier d'un taux d'inclusion plus faible (33 %) sur le produit de la vente de ces actifs.

Le gouvernement s'est empressé de suggérer que ces changements n'auront un impact que sur 0,13 % des Canadiens. Pour commencer, il s'agit d'un tour de passe-passe rhétorique - ce dont nous parlons ici, c'est des plus-values, et non des individus. Certaines études montrent que l'augmentation du taux d'inclusion des plus-values toucherait en fait environ 20 % des contribuables sur une période de dix ans. La politique actuelle étant plus compliquée que cela, il est beaucoup plus difficile de dire exactement combien de personnes seront touchées, mais nous pouvons affirmer avec certitude qu'il s'agit de bien plus qu'une fraction d'un pour cent de la population.

L'autre argument avancé par le gouvernement pour justifier ces changements est qu'ils permettent au Canada de rester compétitif par rapport à la Californie et à New York en matière d'impôt sur le revenu, mais comme je l'expliquerai un peu plus loin, cette comparaison doit être examinée de près. 

La littérature économique s'accorde à dire que les entreprises innovantes sont vraiment importantes pour la croissance économique à long terme. Les taxes sur les plus-values frappent la formation et la croissance de ces entreprises à quelques endroits importants. 

Capital-risque

Tout d'abord, l'impôt sur les plus-values a un impact sur les entreprises lorsqu'elles recherchent des capitaux de croissance, souvent auprès de fonds de capital-risque. Avec un impôt sur les plus-values plus élevé, les fonds de capital-risque envisagent désormais des rendements plus faibles après impôt, ce qui signifie moins de financement ou moins d'actions laissées aux fondateurs. Une étude récente a montré qu'une augmentation de l'imposition effective des sociétés de capital-risque réduit la qualité et la quantité des brevets, ainsi que la quantité et l'intensité des échanges en matière d'innovation - coopération et échanges sur des problèmes technologiques ou commerciaux - entre les sociétés de leur portefeuille. Les augmentations de l'impôt sur les plus-values réduisent également le nombre d'entreprises financées par les sociétés de capital-risque et le montant de leurs investissements.

Retours pour les fondateurs

Deuxièmement, il y a le retour pour les fondateurs sur le travail qu'ils ont investi dans leurs entreprises. Les impôts vont désormais peser plus lourdement, en particulier pour les sorties et les introductions en bourse les plus importantes. C'est là que la nouvelle mesure d'incitation en faveur des entrepreneurs canadiens est censée aider, mais cet outil présente quelques inconvénients. 

Lorsqu'elle sera totalement mise en œuvre, les entrepreneurs pourront déduire 2 millions de dollars de revenus de plus-values à un taux inférieur, mais ce chiffre commence à 200 000 dollars cette année et augmentera progressivement pendant 10 ans avant de plafonner à 2 millions de dollars. L'augmentation de l'impôt n'est toutefois pas progressive. Elle entre en vigueur immédiatement.

La CEI exige également que le fondateur détienne plus de 10 % de l'entreprise, qu'il conserve ses actions pendant au moins cinq ans et que l'entreprise soit privée et sous contrôle canadien. Il s'agit là d'éléments déclencheurs qui peuvent facilement disqualifier un fondateur dans le monde des sociétés financées par le capital-risque. L'impact de l'augmentation de l'exonération à vie des plus-values est également atténué par des règles comparables concernant les actions admissibles des petites entreprises.

Talents et impôts 

Enfin, l'augmentation de l'impôt sur les plus-values peut rendre plus difficile l'embauche des meilleurs talents. Les entreprises technologiques, en particulier les plus petites, attirent, motivent et retiennent souvent les talents grâce à des options d'achat d'actions, car les entreprises en phase de démarrage ne peuvent pas se permettre de verser des salaires élevés. Ces personnes hautement qualifiées sont celles dont vous avez besoin pour relever les grands défis technologiques et développer une entreprise. Cependant, les stock-options sont traitées fiscalement comme des plus-values. 

J'ai mentionné plus haut la comparaison avec les États-Unis, en particulier avec New York et la Californie. Il s'agit d'États où les impôts sont élevés par rapport aux normes américaines ; ils peuvent le faire parce qu'ils sont les capitales mondiales de la finance et de la technologie. Ils peuvent donc se permettre de vous faire payer une prime pour vous y installer. Leur croissance est également plus lente que celle d'États comme Washington, le Nevada, la Floride et le Texas, où les taux d'imposition sont moins élevés, où le climat est agréable et où le coût de la vie est moins élevé. Les États-Unis disposent également d'une exonération des actions des petites entreprises qualifiées, dont la structure est similaire à celle de la nouvelle incitation pour les entrepreneurs, mais qui est plafonnée à 10 millions de dollars. (Si j'étais un gouvernement désireux de rétablir la confiance, je m'en inspirerais pour remanier la mesure d'incitation canadienne en faveur des entrepreneurs).

Vue d'ensemble

Certes, le budget prévoit quelques mesures compensatoires, comme l'amortissement accéléré des investissements dans des actifs tels que les brevets, et de nouveaux fonds pour l'initiative "Venture Capital Catalyst". C'est très bien. Mais de nouvelles subventions progressives ne valent pas autant que des retombées potentiellement transformatrices pour les entrepreneurs.

La réalité est que tous ces changements se produisent dans le monde réel, où les gens ne prennent pas toujours des décisions facilement quantifiables ou économiquement rationnelles (Dieu merci). Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles les Canadiens veulent rester au Canada qui n'ont pas grand-chose à voir avec de petits avantages fiscaux.

Mais beaucoup de jeunes Canadiens votent avec leurs pieds sur cette question. Une étude de 2018 a révélé qu'un diplômé en STIM sur quatre quittait le Canada après l'obtention de son diplôme, un chiffre qui s'élève à deux sur trois pour les diplômés en génie logiciel. 80 % d'entre eux allaient aux États-Unis. La récente victoire dans le budget pour le financement des étudiants diplômés est due en partie à une campagne soutenue visant à faire comprendre au gouvernement le risque de fuite des cerveaux parmi les chercheurs les plus talentueux du Canada. Une fois que vous avez perdu ces personnes, vous ne les récupérez généralement pas.

Il existe un élément plus subtil concernant les cycles technologiques qui n'a pas fait l'objet de beaucoup de commentaires. La technologie se définit par des technologies à usage général (comme l'électricité) et des technologies de plateforme (comme l'internet). L'IA et les technologies quantiques (malgré le battage médiatique) ont un réel potentiel pour devenir des plateformes importantes ayant un impact considérable sur l'économie au cours de la prochaine génération. Rater le coche dans ces domaines, ou dégrader notre capacité à innover dans ces espaces, apparaîtra comme une grave erreur.

Ces modifications fiscales vont-elles donc sonner le glas de l'innovation au Canada ? Probablement pas. Aucun changement unique dans un système complexe ne peut vraiment le faire. Mais nous avons de vrais problèmes économiques dans ce pays, que nous avons déjà abordés ici - notre écart de productivité avec les pays pairs, nos investissements en recherche et développement à la traîne - et la réalité est que ces paramètres ne vont pas dans la bonne direction pour le moment.

Mooseworks est un projet en cours de l'équipe politique du Conseil des innovateurs canadiens. Pour recevoir Mooseworks directement dans votre boîte de réception, inscrivez-vous au bulletin d'information du CCI. Rejoignez-nous le jeudi 9 mai pour un événement spécial Mooseworks Live, où nous parlerons des défis de la croissance et de la productivité au Canada avec Vass Bednar et Brett House. RSVP ici.

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