Résoudre les problèmes de R&D au Québec: Vers des politiques plus ambitieuses

July 9, 2024

Voici un indicateur économique inquiétant : malgré un important soutien gouvernemental, les investissements en recherche et développement par les entreprises du Québec représentent seulement 1,3% du PIB, ce qui est largement en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE, de l’Union européenne et du G7.

En fait, les investissements en R&D par les entreprises ont décliné de manière substantielle au courant des 20 dernières années au Québec. Les entreprises québécoises devraient dépenser 2 milliards $ de plus par année afin de simplement revenir au niveau d’il y a 20 ans. Pour atteindre le ratio de la Suède, les entreprises québécoises devraient dépenser 4,5 milliards $ de plus annuellement!

Les problèmes de productivité du Québec ne sont pas nouveaux, mais le rapport « Vers un Québec innovant » du Conseil de l’innovation du Québec (CIQ) constitue un précieux portrait de l’état des lieux en 2024.

Nous pouvons certainement nous questionner sur l’efficacité des incitatifs financiers à la R-D ainsi que l’environnement réglementaire et fiscal du Québec et, et sur sa capacité à susciter des investissements en R-D. Nous pouvons également questionner pourquoi une province qui dispose de plusieurs universités de calibre mondial et d’une main d’oeuvre hautement qualifiée ne soit pas en mesure de produire davantage d’entreprises innovantes. Une chose est certaine, le Québec a tous les outils pour être un leader mondial en matière d’innovation

Les PME qui investissent en innovation améliorent leur performance économique à long terme, tant au niveau de leur croissance que de leurs revenus et de leur rentabilité. Nous savons tout cela. Et plusieurs études en ont fait la démonstration. Alors, qu’est-ce qu’on peut faire pour faire bouger l’aiguille

Une vision ambitieuse pour le Québec

« Vers un Québec innovant » est une excellente étude. En ce qui nous concerne au CCI, si le gouvernement s'approprie ce rapport et obtient l'adhésion du secteur privé, nous croyons que la vision derrière celui-ci est susceptible de dynamiser le secteur des nouvelles technologies et de stimuler l’innovation au Québec.

S’il n’en tenait qu’à nous, la vaste majorité du contenu de ce rapport serait mis en application. Les mesures proposées afin d’inciter les entreprises à investir davantage en R&D, pour accélérer la mise en marché des innovations, améliorer la transparence & la reddition de comptes ainsi que pour simplifier les processus administratifs sont tous d’excellentes idées susceptibles de dynamiser l’écosystème de l’innovation au Québec.

La section du rapport intitulée « protéger les investissements réalisés par l’état et les entreprises » attire toutefois notre attention, particulièrement la recommandation 9 (mettre en place de nouveaux outils pour augmenter la capacité du gouvernement de soutenir le cycle d’investissement en innovation au Québec). On propose de considérer la mise en place de subventions à redevances, prêts à conditions favorables, prêts pardonnables, etc.

Ces mesures présentent  plusieurs similitudes avec des modèles éprouvés ailleurs dans le monde en matière de recherche et développement – notamment ceux d’Israël et de la Finlande. Deux pays avec des populations de moins de 10 millions d’habitants, avec une langue et une culture commune forte… ça vous rappel quelque chose?

Qu’est-ce qui fait le succès des modèles israéliens et finlandais?

Le modèle d’innovation d’Israël favorise une approche « bottom-up «, qui ne priorise pas un secteur en particulier. Plutôt que de focus sur certains problèmes précis et essayer d’innover autour de ceux-ci, Israël  encourage ouvertement l’innovation dans tous les secteurs. En créant les infrastructures et en offrant un encadrement rigoureux aux innovateurs, on minimise la prise de risque et on permet aux innovateurs de se concentrer sur ce qu’ils font de mieux : innover.

Ce modèle est un unique et surtout un succès retentissant. Israël devance tous les pays de l’OCDE, avec des investissements en R&D qui représentaient 5,1% du PIB (ce ratio était à 3,9% en 2000). Le département de l’innovation d’Israël existe dans une forme ou une autre depuis environ 60 ans et a constamment été ajusté afin de maximiser les investissements dans le secteur privé. Les entreprises qui investissent dans des jeunes pousses du secteur des nouvelles technologies peuvent se faire rembourser jusqu’à 40% de leurs pertes via certains programmes. Quand on parle de stimuler la prise de risque et de soutenir ceux qui vont dans cette voie, il s’agit ici d’un excellent exemple.

Le modèle finlandais est quelque peu différent, en ce sens qu’il se concentre autour d’importants fleurons technologiques comme Nokia. Ces entreprises joue un rôle de catalyseur dans l’écosystème d’innovation du pays et, en partenariat avec le gouvernement finlandais, soutiennent et financent la R&D dans divers secteurs. Ce modèle n’est pas sans rappeler l’importance de soutenir nos fleurons et de garder les sièges sociaux chez nous – les bénéfices pour l’économie sont indéniables et surtout irréplicables dans une autre forme.

Ces exemples démontre qu’il n’est pas nécessaire d’imiter ce qui se fait aux États-Unis pour innover. On peut être un petit pays et être un chef de file mondial en matière d’innovation. Le Québec est un cas d’espèce unique en Amérique du Nord. La question de la langue est un vecteur de différentiation important, mais l’état providence ainsi que le tissu social québécois placent le Québec dans une catégorie vraiment unique. Et cette unicité fait en sorte que le Québec est probablement l’état d’Amérique du nord le plus susceptible d’implanter avec succès un modèle similaire à ceux d’Israël et de la Finlande.

Conclusion

Il est dommage qu’avant même la parution du rapport, le gouvernement ait exigé que « toute révision recommandée des incitatifs en R-D pour les entreprises devait se faire à coût nul. »

Bien que nous comprenions le contexte économique actuel et la nécessité de maximiser l’efficience dans la gestion des fonds publics, il n’en demeure pas moins que ce pré-requis est susceptible de limiter les pistes de solution potentielles et notre capacité à considérer des nouvelles manières de faire.

Et si nous faisions de l’innovation un projet de société au Québec? Tous les ingrédients sont là. Suffit maintenant de mettre les bons mécanismes en place et surtout, d’être patients. Les pitmaster du Texas savent que pour réussir le meilleur brisket possible, il faut attendre très longtemps… mais que cette attente en vaut la peine!

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